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Torchwood - créations d'épisodes non officiels
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2 décembre 2009

le(s) sens de l'univers - Partie 1 (chap 1 à 8)

_  Le(s) sens de l'univers_ (texte tt réservé)

Note : la présente aventure tient à deux éléments de la fin de Torchwood 3 - les enfants de la terre. C'est une "uchronie" car Ianto n'est pas mort. Cependant, le départ/la fuite du protagoniste est respectée. Le capitaine Jack Harkness ayant dû sacrifier son petit fils, ayant vu sa fille Alice se suicider après la mort de son fils, a décidé doit retrouver le Dr Who. Il cache sa dépression d'immortel en disant à Gween Cooper que la terre est une "trop petite planète" et se volatilise sous ses yeux pour rejoindre un vaisseau spatial croisant juste au-dessus de lui , vers Ion.

Dans cette épisode de la version Bêta 3.1. Il est revenu sur terre car son voyage inter-stellaire ne lui a pas apporté les réponses ou la paix recherchées.

***

- Est-ce qu'ils font des rêves ?


Quarante-huit heures plus tôt.


Une musique très bruyante parvint aux oreilles de Jack. Poussée à haut volume, les enceintes d'une vieille voiture crachaient un morceau de U2. Le son de qualité contrastait de manière amusante avec la guimbarde.

Nuit de chasse, une nouvelle nuit. Ianto resté à la maison, les autres revenus à leur vrai vie.


Par simple curiosité, Harckness suivit la 304 marron, vieux modèle français, qui lui rappelait ses échappées passées à Paris. La conductrice chantait à tue -tête sans se soucier de la Nuit, du quartier désert, de sa proximité avec les égouts de Cardiff. Elle se gara sur le quai. Le silence engloutit les dernier écho de musique. Le clapotis de l'eau fit le reste. Elle se tint quelques secondes à la voiture. Une sorte de fut assez long allongeait son bras droit. Elle titubait.

-Oh no ! Soupira Jack, encore ?

      Lui qui voulait rentrer, il débloqua la porte du char d'assaut qui lui servait de 4X4 et se glissa dehors. Les êtres à grandes dents et à nez aplati n'étaient pas loin.

La silhouette fit une quinzaine de pas vers la gauche, le long du quai. La lumière rouge au bout de sa bouche et quelques volutes de fumée relayées par les reflets de l'eau à la lune laissaient deviner l'énorme cigare qui engloutissait ses lèvres. Très grande, carrée, elle faisait un bon mètre quatre-vingt. Était-ce vraiment une femme ?

Une lueur enfantine traversa le regard de l'ex-voyageur du temps.

Il arrivait toujours à trouver quelque chose de nouveau, quelque chose d'amusant sur lequel se focaliser pour accomplir ces tâches aussi inlassables que certainement vaines. Un peu comme un poète contraint de participer à un monde de noirceurs se ressourcerait à chaque infime parcelle d'humanité et de douceur. Cette fois-ci : le reflet de l'eau, une femme et ce cigare, la petite lumière de la cendre incandescente dans la Nuit.


Un ricanement sec acheva sa contemplation. Trois grondements sourds et une main pleine de griffes venaient de happer dans la nuit la femme ivre.

La stupeur passée, l'adrénaline circula vite dans les veines de la victime, faisant place à l'action. Son sang, mélange de panique et de lucidité, affluèrent dans un esprit rompu aux situations délicates. Ses réflexes et son sang froid refirent vite surface, par chance sa minerve venait déjà de la protéger d'un fameux coup de dents. Si on pouvait appeler ça des dents ! La batte de baseball aussi n'était pas inutile mais la force de ces bestioles intimidées par la lueur du cigare ferait vite la différence.

      -Je peux aider peut-être ? Glissa le capitaine en attaquant la créature de gauche. C'était bien une femme, la quarantaine, pas une beauté d'autant que la minerve et le blouson de motard offraient peu de formes mais du charme, certainement. Pour lors, elle s'en tirait bien. L'esprit de Jack retint le vert foncé de ses yeux, ses longs cils et sa pâleur un peu maladive qui ne devait rien à voir avec le combat. Elle ne tiendrait pas longtemps.

Harckness acheva le 2ème monstre quand elle s'écroula. Le troisième assaillant placé sous anesthésiant, il jeta un œil à sa découverte. Les yeux se concentrèrent sur les petites veines bleues au coin des yeux clos, puis passèrent au tracé parfait de la bouche. La blancheur du teint soulignait le rouge palpitant des lèvres. Comme un fruit dont on imagine déjà la texture tiède, douce et savoureuse - il déglutit et un point apparut au creux de son sternum - mais se retint de goûter ce qui l'attirait tant. Elle puait le cigare d'ailleurs !


Les dommages n'étaient pas sérieux. Sa santé seule et non les blessures étaient la cause de cet évanouissement. Les renforcements du manteau de motard avait été bien utiles ainsi que la minerve. Il sourit en pensant aux délirants uniformes – de protection, il va s'en dire - qu'il pourrait faire porter à ses équipiers.

Les yeux mi-clos s'ouvrirent, prête à bondir à nouveau, la femme posa des yeux perçants et profonds sur l'homme penché au-dessus d'elle. Elle avait elle-aussi un regard beaucoup trop dur pour correspondre à son âge. Intense et chirurgical dans sa perception, serein et prêt à tout. Les pupilles de Jack s'agrandirent. Durant une ou deux secondes, ils restèrent absorbés, comme on peut l'être, pensif face à son propre reflet. Leur deux regards se touchèrent et résonnèrent en même temps : qui êtes-vous ?

II

- Est-ce qu'il font des rêves ?

Sa voix grave et féminine résonna quelques instants dans le corridor et dans les entrailles de Jack. Comme si cette question lui rappelait soudain son propre squelette, une caverne d'os sagement empilés par l'évolution où il lui était encore possible d'être vulnérable. Donc sensible. Il releva la tête.

Alice contemplait un des weewhil qui l'avait attaquée. La paroi translucide qui la séparait de la bête ne semblait presque pas exister. Il avait beau eu gesticuler, montrer les dents, gronder ou hurler – Jack ne savait plus trop ce qu'il en était – le regard vert froid plongeait toujours dans les yeux de l'Alien. Fascinée, elle semblait rêver au-delà de l'apparence du monstre pour explorer son âme. Que voyait-elle au delà que lui ne voyait pas, n'avait pas voulu voir ?

Quelque chose brilla dans le coin de son œil gauche, comme une goutte d'eau d'émotion – assis dans le coin, à proximité de la cage de verre, Jack déglutit péniblement – il corrigea son jugement : une goutte d'eau de compassion, plutôt. Imperceptiblement, la cage thoracique de l'humaine à côté de lui s'était levée, expirant un souffle lourd et apaisant.

Rappelle-toi, Jack, résonna une voix dans la tête du capitaine. Il fronça les sourcils. Quelqu'un avait-il jamais pleuré pour un weewhil ?

III

Cooper observait la Française depuis quelques minutes. Son instinct de policier et l'expérience acquise au service de Torchwood ne lui disait rien qui vaille quant à cette nouvelle venue. Comme à son accoutumée, elle laissa parler sa franchise :

- Mais qui êtes-vous Alice ? Gwen rongeait le haut de sa lèvre en la regardant.

- Pourquoi cette question ? dit Alice avec une moue un peu choquée.

- Parce que vous impressionnez Jack...

La femme émit un petit ricanement et une pointe espiègle illumina son regard froid.

- C'est parce que je baise plus que lui !

Alice reprit son chemin puis se retourna vers Gween. Elle fixa un instant la future maman, vingt bons centimètres les séparaient. Prit ses mains dans les siennes et la fit asseoir à côté d'elle.

- Si vous êtes son amie, n'oubliez pas cela. Jack est un enfant, Gwen Tout comme nous...Elle détourna les yeux vers le sol gris de l'entrepôt. Un vieil enfant mais un gamin quand même. Surtout en ce moment.

Alice se releva, l'air sombre mais un sourire aux lèvres, dardant un regard plein d'émotions et de tendresse sur la jeune femme aux cheveux noirs.

- Et vous savez quoi, vous aussi vous l'impressionnez, Gwen...

La jeune femme ouvrit la bouche, hésita et se tut finalement. La main gauche d'Alice se posa sur le bras de Gwen.

- En fait, nous l'impressionnons tous. C'est aussi pour cela qu'il reste ici.

Une sorte d'agacement parcourut l'échine de la co-équipière de Jack. Ses yeux noirs se durcirent, son souffle se retint de lui-même. Alice perçut l'attaque alors même qu'elle se formait dans la pensée de Gwenaëlle. Une pointe de jalousie bien légitime sans doute. Après tout, elle débarquait là au milieu, à peine sauvée des griffes d'extra-terrestres monstrueux et elle leur donnait déjà des leçons. Son impatience l'avait eu une fois de plus, et sa prétention, et son désir qu'il y ait forcément une réponse juste ou une solution, forcément ! Au lieu d'attendre et d'observer humblement pour ne rien manquer de la réalité. Ça n'était pas comme cela qu'il fallait agir avec les humains, elle le savait mais... étant humaine, pourquoi serait-elle parfaite ? Même Harkness ne l'était pas, pas encore...

Ses yeux lui rappelèrent où elle se trouvait. Elle sortit de ses pensées.

- Comment savez-vous tout cela ? Dit Gwen d'un ton un peu sec, comme attendu. Vous connaissiez déjà Jack avant cela ?

- Non... Je ne le connais que depuis douze heures, Gwen. Mais elle se retient d'oraliser sa pensée, si elle disait ça comme ça, Gweenie serait encore plus méfiante et fâchée contre elle. Pas la bonne tactique, pensa-t-elle.


Elle l'aimait bien, à dire vrai. Elle lui rappelait sa « jeunesse ». La jeune femme était futée, impulsive et réfléchie à la fois, aimante et juste. L'efficacité d'une machine nourrit par la bienveillance d'un ange , et tout cela faisait Gwen Cooper. Pas étonnant que même Jack avait craqué pour elle. Pauvre Harckness, pensa-t-elle, toujours en représentation pour ne pas les décevoir, hein...

Gwen sembla accepté ce « non » tant il était spontané car vrai.

- Mais tout le monde peut se tromper , ajouta Alice.

IV

Le regard paternel de Jack se posa sur sa petite équipe en pleine activité.

- Réunion !

Sa voix claqua dans l'air comme la musique hebdomadaire du marchant de glace. Leur attention capté, il fit rouler ses yeux , cabotin, comme le clown éternel qu'il était.

- Lady and gentlemen, je vous présente Alice.

Il s'écarta de l'écran vidéo du bureau de Ianto. Quatre niveaux plus bas, Alice remettait sa couette en place. Elle avait passé la nuit dans la base. La lumière douce et grise permettait de saisir son état de lassitude. Ils se sentirent gêner de l'observer ainsi sans qu'elle le sut.

- Baby ! murmura le capitaine à Ianto pour attirer son attention. celui-ci  prit le document qu'il lui tendait.

Quelques secondes pour se faire une mine, et le secrétaire très particulier énonça d'une voix monocorde :

«  Alice, sexe féminin, née sous X, le 12 mai 1965. Taille : 1.80m, poids : 80 kg.

Nationalité : française. Pas de famille, ni parents ni enfants.

Un chat - il fronça les sourcils – euh, en fait, une chatte : Asia, chat européen entièrement noir, yeux jaunes.

Une photo de l'animal, magnifique, le soleil faisait brillé les reflets bleutés de son poils fourni, apparut sur l'écran vidéo. Au même moment, la voix d'Alice résonnait en français.

- Viens ici ma belle !

Asia se posa sur les genoux de sa maîtresse avec une grande précaution. Ses pupilles étaient largement ouvertes, excitée et d'humeur joueuse, une patte duveteuse attrapa le collier de bois qui trainait assez bas autour du cou de l'humaine.

Ianto regarda ses coéquipiers et demanda en fixant Gwen , à son cinquième mois de grossesse :

-Personne n'est allergique aux félidés, ici ?

- Non, ça va , dit-elle, touchée de cette attention.

Il reprit :

"En vacances en Angleterre, d'après son passeport. Hum...

Billet d'avion retour pour Paris dans trois jours.

Profession : aucune. Accident de moto, il y a trois semaines.

Légères contusions et port d'une minerve indiquée.

Possession : une vieille 304 marron en très bon état.

Fume le cigare."

    A cette idée, Gwen sourit en attendant la réaction de Rhys : une moue choquée.

- Qu'en pensez-vous, dit Jack, dont la voix contenait une fatigue inhabituelle, soudain. Je l'engage ?

- Tu ne nous demandes pas notre avis, d'habitude, dit Ianto.

- Eh bien, on peut toujours adopter de nouvelles habitudes, dit-il d'un air coquin.

- Elle part dans 3 jours... émis Gwen.

Harckness nota la méfiance de ces troupes face à la nouvelle venue , mais après Adams, et la mort de Tosh, Owen et tant d'autres... Chaque nouvelle rencontre devenait au fond plus difficile.

- Ce sera suffisant ! Eh bien, je vois que vous êtes d'accord, donc c'est décidé !

- Et que fera-t-elle hasarda Gwen...

- J'ai besoin...d'un biographe ! Lança Jack en souriant largement, laissant assez d'intensité dans son jeu pour que le doute soit permis.

Etait-il vraiment sérieux ?

- Eh bien , opina Ianto , de sa voix douce et grave à la fois. - Si sensuelle que Jack ne peut s'empêcher de fermer imperceptiblement les yeux, comme on écouterait les quelques notes d'une symphonie pour la millième fois sans pouvoir s'en rassasier. La chair de poule remonta son échine et un frisson de plaisir terrible le parcourut. - Pourquoi pas ! Lâcha d'un air stoïque, le majordome de la base.

Jack sentit  pour une fois qu'une explication était nécessaire.

- J'en ai assez d'oublier des choses importantes qui pourraient éviter des erreurs et raconter certaines choses me permettrait de les oublier. Les rapports existent bien sûr mais ils ne parlent pas de tout cela.

Des pas se firent entendre et la voix d'Alice résonna avant même qu'ils la vissent. Grave aussi, belle, harmonieuse, maîtrisée, articulée comme si chaque mot pesait le poids d'une incantation. Lasse aussi.

- Tu devrais avoir un chat, Jack.

Il ricana et l'accueillit. Son regard se porta vers les hauteurs du hub, et il fanfarrona en savourant son effet :

- J'ai déjà un ptérodactyle !

- Ah oui ? Alice leva les yeux , inquiète.

- Ne t'inquiète pas, il n'aime que la sauce à barbecue !

- Sérieusement, baby – elle se rapprocha et lui face, sans trop s'occuper de la réaction de recul unanime des autres – tu chasses les Aliens et les remets dans leur bus temporel, si j'ai bien compris. Vous faites joujou avec leurs objets trouvés et vous gardez ceux qui paraissent utiles à l'équipe. Mais pourquoi ne pas aussi trouver des alliés ?

- Quoi, tu veux aussi que je recrute ta chatte ? Lança -t-il le nez pointé en l'air, jouant à l'offusqué.

- Non, pas Asia ! … Elle le fixa, farceuse... De toute façon, Asia n'est pas un chat.

- Tu es une sorcière ! Je le savais... Pointant un doigt accusateur. A witch ! She is witch !

Harckness se leva d'un bon et donna ainsi le signal de fin de réunion. A grands pas, il se dirigea vers le labo, suivit de prêt par la femme qu'il avait sauvée trois jours plus tôt.

- Jack, je suis sérieuse, attends-moi veux-tu … Il n'y a pas que les humains qui en vaillent la peine sur cette planète. Pas plus que dans tout l'univers... Je suppose.

Il se retourna, le visage sombre, se mordillant la lèvre supérieure gauche, un peu agacé.

- Qu'est-ce que tu en sais !

- Hum... Question de bon sens, non ? De probabilités.

Le « sens » n'était pas quelque chose que Jack prenait à la légère depuis qu'il traversait l'univers dans toutes les directions , y compris celles de l'infini. Ou plutôt si, tout, absolument tout était léger face à l'univers. Et cela pouvait faire très mal.

- Laisse-moi étudier les Weewhils, par exemple, veux-tu ?

Harckness reprit sa marche à grandes enjambées.

Document 555-6786 -726 précisa Ianto qui avait suivi la conversation à peu de distance tout en restant discret, à son habitude.

Alice soupira et regarda tour à tour les deux hommes : 

- Je ne vous parle pas de scalpel ou d'analyses de sang. Tout à son rôle à jouer dans cet univers, en tout cas, je le crois. Asia est un des chats les plus intelligents que je connaisse. L'évolution d'une espèce n'est pas linéaire, elle se rejoue presque à chaque nouvelle génération, à chaque individu, avec des mutations génétiques mais aussi des mutations du comportement voire de la capacité à lier les choses entre elles, à sentir autant qu'à aimer... Il y a peut-être un weewhil plus intelligent, plus à même de communiquer avec nous que les autres, qu'en sait-on ? Que savez-vous vraiment de nos ennemis ?

Les sourcils relevés, il évalua la détermination d'Alice et les risques encourrus.

- Ok, acquiesça Jack. Tu as trois jours...

V

Le hub était plongé dans la pénombre de la nuit.

-Jacques ?...La voix française s'insinua dans la cabine du capitaine. C'est toi qui... Jacques ?

Un second hurlement arracha les entrailles de Harckness. Comme si son corps en entier était devenu une caverne gigantesque : ses veines, ses os devenus creux, ses mains, la plante de ses pieds se vidaient lentement de vie. Il en percevait le flux . A la manière de l'eau qui file dans un égout, sa moelle, son sang, l'eau de son corps quittaient en hâte une dépouille physique où seules ne restaient que la souffrance et la douleur. Il avait même vu de l'intérieur le chapiteau désert de ses propres côtes, comme pourrait le voir une bactérie si elle avait eu des yeux. Il voulait à tout prix se réveiller, il le savait, ça n'était qu'un cauchemar.

- Jacques !

Les mains froides de la française et son inquiétude formèrent une corde virtuelle qui lui permirent de s'extirper de la Nuit. L'air s'engouffra dans ses poumons comme des lames acérées de vie et Jack se releva brusquement, sortant de son rêve. La sueur ou les pleurs baignaient son visage au regard las. Son corps pleurait encore sous sa peau des milliards de larmes. Elles lacéraient encore à ce moment-même sa peau de l'intérieur.
Alice se sentit un peu désemparée, comment réconforte-t-on un immortel ?

Elle s'approcha, plongea dans son regard perdu et l'enlaça comme une mère berçant son petit garçon après une mauvaise nuit. L'énergie psychique qui se dispersait dans le corps du capitaine était palpable jusqu'à elle. Un peu comme une onde de choc après un accident.

- Je...

- Chut...Ne parle pas, garde tes forces, petit cœur -Comment sa mère l'appelait-elle quand il était petit ? Il avait forcément été un petit garçon un jour même si c'était ou ce serait ailleurs, dans un autre temps.

Elle poursuivit, restant à l'écoute de sa respiration.

- Les humains ont longtemps pensé que les rêves étaient prémonitoires ou le langage des Dieux – le capitaine eut envie de l'interrompre mais le souffle des sons ne dépassèrent pas sa cage thoracique – mais, continuait-elle, ça n'est que notre corps qui fait du rangement. Quand il tombe sur un événement traumatisant, il patine dessus. C'est un peu comme nous avec notre éponge, on s'acharnerait à frotter jusqu'à ce qu'elle disparaisse.

Une vague de colère sourde surfa sur la vague des émotions de Jack.

- Tu me fatigues, Alice, éclata-t-il en la bousculant brusquement, près à se relever. Pourquoi penses-tu une seconde que je suis comme toi, comme vous ?

- Ah oui ? - les yeux verts redevinrent froids – une info à me vendre ? Claqua -t-elle en basculant étonnement vite sur l'autre lit jumeau. C'est vrai ça, ce corps, c'est ta vraie apparence ou bien... tu es un ensemble de gaz en lévitation en vrai ? Ses yeux brillèrent, excités.

La voix de la Française était devenue aussi railleuse que déçue. Depuis combien de temps n'avait-il pas dû faire face à une vraie remise en cause ? Il se rongeait de l'intérieur depuis des centaines d'années au moins. Sa venue sur Terre avait un peu distrait son esprit et son corps mais à nouveau le besoin de sens, la lassitude, la souffrance, la perte d'ami(e)s accumulée, Steven et Alice perdus, les erreurs faites l'avaient rattrapés. Comment fuir ?

Les yeux froids transperçaient Jack – et même s'il en avait vu bien d'autres, ce regard et ces propos le ramenaient pour une fois dans un état proche de l'impuissance...mais elle n'était pas négative pour une fois. C'était admettre ne rien pouvoir faire pour apprendre à faire autrement.

Tu as raison, baby, pourquoi continuerais-je à gaspiller mon temps avec un déchet humain ?

Elle aperçut un sac plastique à portée de main qu'elle ramassa. Songeuse, elle le lui montra en prenant une longue respiration. C'est d'un ton ferme mais serein qu'elle dit :

- Ce sac plastique à une longévité vingt fois supérieure à tout existence humaine ! Ca n'est pas la longévité qui compte, mon chou, c'est comment tu vis chaque seconde. Il n'a ni émotion, ni plaisirs, ni même volonté. Un humain de cinquante ans a pu produire ce sac qui mettra deux milles ans à disparaître. Arrête de geindre ! De te culpabiliser de choses dans lesquels tu n'as aucune responsabilité ! A toi, de choisir : tu veux vivre en humain ou en sac plastique ?

- Les deux ! Jack la fusilla du regard et lui tourna le dos brusquement.

Un frisson glacé parcourut l'échine d'Alice. C'était bien une lueur de meurtre qu'elle venait d'apercevoir dans son œil ? Il se retourna.

Les lèvres sensuelles de Jack reprirent quelques couleurs. Habitué à surprendre ses interlocuteurs, il happa sa bouche à elle en un élan proche des premiers rythmes d'une valse. Le plaisir du baiser donné tel un coup de poing fit place à la surprise, à la déception de s'être fait avoir et enfin au plaisir de trouver un combattant à son égal. Les sens de Harckness fondirent sous la surprise mais cela n'enleva rien aux sensations qui parcoururent leurs corps. Le baiser lancé comme une attaque se changea en une caresse sereine, comme une main tendue, la caresse d'une main sur la peau d'un animal à réconforter. Comme on intercepte la gifle d'un ami avant de lui serrer la main. Rien de sexuel là dedans, mais de l'Amour, oui. Infiniment.

Ianto ralentit le pas.

Il resta saisi : ce qu'il venait de voir en passant devant la chambre de Jack. Heureusement, ses pas discrets l'avaient portés quelques mètres plus loin pendant que ces yeux transmettaient l'image des deux bouches enlacées, Jack et Alice l'un contre l'autre. Un mur froid accueillit son dos pour reprendre son souffle quelques instants.

VII

Une heure plus tard, il tenta de signaler un peu son arrivée dans la « suite Hub » dédiée à la Française.

  • Puis-je entrer ? Dit-il dans un français un peu haché mais si craquant.

  • Of course, yes, Ianto ! Come on !

Alice se releva , elle était en train de se reposer. Jack savait-il jusqu'à quelle point elle était malade ? Etait-ce grave ? Pourquoi l'avait-il embrassé ? Une lueur d'autodérision très britannique vint à son secours : Pff, laisse tomber, Ianto, c'est le genre de choses que Jack FAIT, voilà tout.

Une grimace de douleur se dessina sur le visage de l'observée. Elle sourit au jeune homme.

- Ne vous inquiétez pas, Ian. Puis-je vous appeler « Ian » ? Mon accident de moto m'a un peu bousculée , il y a trois semaines, quelques côtes disons « talées » comme on dirait en France. Elle se mit debout et l'invita à s'asseoir en face d'elle.

- Oh... non, merci, dit-il en français. Le capitaine m'a chargé de l'intendance et je venais voir si vous aviez besoin de quelque chose : nourriture, boissons, ustensiles, médicaments... Cigares ! dit-il à la française.

Elle fit non de la tête... Son regard se porta sur le tableau qu'elle avait peint dans la nuit.

  • Du blanc, j'ai besoin de blanc ! Vous savez où trouver de la peinture acrylique ?

  • Euh, oui. Ok. Il ajouta l'information à sa liste de courses. Autre chose ?

  • Puis-je vous accompagner ?

  • Euh... allons-y !

VIII

Un bouquet de fleurs avait fini par le dérider. Alice avait saisi son regard vers une touffe luxuriante de roses et de tulipes enrubannées de verdure. Le tout avait un air à la fois champêtre, sensuel et furieusement romantique. Il hésitait.

  • Pourquoi ne l'achetez -vous pas ? Avait-elle demandé, il est superbe !

Elle s'était mise à caresser la feuille ourlée d'une tulipe comme si elle était encore en vie. De fait, elle l'était, audacieusement vivante : verte émeraude, vert pâle, son calice d'un rouge carmin frisait l'impudeur. Ianto se reprit, cette vision lui rappela le baiser traître. Cette pensée l'assombrit, tête baissée, il la chassa.

Alice s'était corrigée à temps , prête à dire « Pourquoi ne lui offrez-vous pas »?. Mais elle avait été assez maladroite pour aujourd'hui. Ianto n'avait peut-être pas , n'avait sûrement pas envie de parler de ça avec elle. Au fait , c'était un il ou un elle ? Le jeune homme séduisant à ses côtés marchait d'un pas de conquérant avec la mise d'un dandy. A quel genre appartenait-il ? Se sentant inquisitrice, elle se concentra sur la beauté d'une tulipe qui lui tendait sa feuille.

Ianto la regarda du coin de l'œil et ne put s'empêcher de répondre à sa joie enfantine. Alice était quelqu'un de franc, directe, insoumis mais aussi bienveillante. La bonté irradiait d'elle mais pas la naïveté. La parfaite égérie ! Si ce n'était ses formes un peu trop alourdies quant aux critères du XXI°S et sa carrure de rugbywoman... Il se sentait bien avec elle même si le souvenir du baiser le taraudait encore. Pas tant qu'il l'ait vu, ou bien qu'il ait fait cela en cachette... mais plutôt ce qu'il signifiait, symbolisait à ses yeux.

Lui, Ianto Jones, il était fou amoureux d'un autre homme. Il fallait bien mettre des mots sur ce sentiment qui l'emportait même si cela défiait tout ce qu'il avait vécu jusque là. En ce moment -même, un creux d'angoisse dans le bas de son ventre lui disait à quel point la non présence de Jack à ses côtés dans les dix mètres environnants lui pesait.

Alice vaquait à ses achats, gardant un œil sur lui, à quelques mètres. Lui, absorbé dans les pensées de son corps et de son cœur, lisait machinalement sa liste de courses en empilant les produits dans son chariot.

Après-rasage pour moi. Savon pour Jack – le visage du vieil homme s'imposa à lui avec une touche de mousse sur le nez. Un sourire inconscient barra le visage de Ianto.

"Je t'aime...

Jack. Je t'aime Jack ! "

Les moments passés défilèrent en un clin d'œil devant ses yeux émaillés d'émotions contradictoires. Un tube de Robbie Williams : Deceptacon raisonnait dans les rayons vides. Tout ça était autre chose que aimer un homme , c'était aimer un être. Oui, il avait aussi une bite entre les jambes , certes. Mais , Ianto le sentait par tous les ports de sa peau, c'était un être de chair, de sang, plein d'élans, d'attention, d'humour. La sensualité d'un félin, la douceur d'une âme de poète dans le corps d'un mercenaire. Le toucher, lui, c'était accéder à un milliard de sensations plus pleines les unes que les autres. Et ça n'avait rien à voir avec Jack Harkness, le sauveur , le frimeur de tous les temps. Ca avait à voir avec ce qu'était vraiment cet être, au-delà de son nom d'emprunt, de ses secrets millénaires et de sa vie à hauteur du cosmos.

Comme deux matières qui se touchent, la symbiose entre leurs deux âmes étaient totales : l'un s'harmoniant à l'autre. Deux énergies vitales mises en présence et qui découvrent leur complémentarité, leur complicité essentielle.

Ianto lâcha le chariot près d'Alice et courut à plein foulée jusqu'au bouquet de fleurs. Il passa une caisse vide au même rythme en balançant au passage trois billets et le code barre du bouquet. Les rues du matin, Cardiff, un soleil doux et bienveillant. Ianto chassait tous les doutes qu'il l'assaillait à chaque pas lancé en direction du hub de Torchwood. S'il les écoutait, il renoncerait et rien au monde ne valait cela : cette course contre tout, les préjugers inscrits dans sa peau depuis la nuit des temps, les petites catégories arbitraires d'une société prête à vous dire qui aimer et avec quels gestes.

Il dévala quatre à quatre les escaliers menant du magasin officiel à la salle centrale. Appuya sur le bouteau « close » aussi large que sa main , les néons jaunes prirent le relais et une sirène retentit en boucle. Jack se retourna à ce bruit : Ianto, le souffle coupé, repoussa toute idée de reculer. Le sang battait à ses veines comme autant de rouleaux prêt à le pousser au pied de l'être qui le possédait de toute son âme. Il déchira le papier retenant le bouquet , fit éclater en l'air les fleurs aussi haut qu'il put et sous cette pluie de roses, de tulipes de tous les tons de l'arc-en-ciel, il écrasa les lèvres de son amour masculin.

Les pupilles de Jack s'ouvrirent largement comme celle d'une panthère prise par surprise. Sonné de cette entrée, il se laissa faire, noyer sous l'intensité qui déferlait sur son corps, son sexe, son torse, chacun de ses muscles. Les lèvres de Ianto étaient vengeresses, furieuses de tant d'heures de séparation, de regards discrets échangés de loin comme autant de caresses avortées. Elles guidaient ses mains parfumées par les roses, tout parvenait aux sens exaltés par trente siècles d'évolution du post-humain. Elles le submergèrent comme un ouragan prêt à se fondre en lui , par tous les points de son corps.

Ses mains libres seules de tissu prirent à pleine faim le corps du jeune homme. Son après-rasage, la course, la sueur de l'envie, les fleurs, tout s'emparait de sa peau pour démultiplier par l'intérieur les caresses sensuelles de Ianto.

Harkness se laissa tomber sur le canapé près du mur et délassa frénétiquement, presque brutalement si ce n'était ses gestes retenus en passion, la cravate noire , dégagea la chemise blanche et fourra ses mains en feu sur les côtes saillantes du majordome. Celui-ci le brûlait d'un regard qu'il n'aurait pas aimé croiser sur un champ de bataille. Dans ce ballet à corps rendus, il était difficile de deviner qui était le chef et qui était le subalterne. La réserve de Ianto explosait en une passion aux gestes sauvages mais sensuels. Eclairés.

Ils se dégagèrent l'un de l'autre quelques instants, contemplant sur eux mêmes ce moment d'éternité. Stupéfiés par autant ! La seule chose qui résonnait si fort entre eux était l'intensité de leur souffle unique et de leur soif commune.

Jack reprit bien vite l'initiative, effrayé que ce moment ne se poursuive s'ils s'arrêtaient ainsi au bord de l'agartha. Toute pensée amère avait quitté son esprit, il s'observait juste en train de plier sous le plaisir, terrassé par la beauté du moment qui l'unissait au tea boy. Ses mains s'arc-boutèrent comme autant de griffes retenues, traduisant la hauteur de son excitation. Il les posa en une simple pression dans le dos de Ianto qui se redressa sous le flux tactile et charnel qui s'emparait de ses terminaisons nerveuses, ivres de l'improbable bonheur de ce moment de grâce.

Une main avide caressa l'entre—jambe du pantalon militaire, elle attendait dans sa paume le sexe hérissé par l'attraction qui les unissait depuis de longs mois déjà, depuis cette rencontre inattendue. Cette paume mesurait son propre vide en sentant la chaleur du désir de l'animal sauvage qui lui servait de guide et de chef. Un grondement long, félin, chaud et maîtrisé en vibrations de plaisirs se posa sur l'air qui les entourait, il courut dans chaque interstice de leur sexualité. Ianto ferma les yeux pour mieux savourer l'onde sexuelle que Jack venait de lancer comme un feu d'artifices en ricochet dans l'espace tout autour d'eux.

  • Mais qu'est-ce que tu es exactement ? Souffla -t-il avant que l'autre homme ne le fasse taire à pleines lèvres.

  • Yours ! , répondit Jack, en savourant ce qu'il avait enfin pu dire tout haut.

Quand Gwen entra dans la grande salle, quelques heures plus tard, elle recouvrit d'un plaide le corps des deux amoureux enlacés dans le sommeil. Le tableau de leur union physique l'émut. Comment ne pas reconnaître une telle magie ?

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Commentaires
A
ça donne envie ton épisode !<br /> Rythme, description plutôt claire, un chouia de grandiloquence poétique, mais ça tient la route.<br /> Je t'envois une version .doc avec quelques menues corrections par email.<br /> Rien à redire sur le côté philo ou psycho... ça sonne juste.<br /> Je lis la suite dès que possible.<br /> Bises l'Amie, et bravo !
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